Une question de compétence d’administration pourrait bien invalider un retrait de diplôme de doctorat à la suite du constat d’un plagiat. Le Cabinet MARS-IP vous informe !
En septembre 2023, le comité d’éthique scientifique de l’Ecole française Polytechnique a tranché : la thèse de doctorat soutenue le 3 février 2016 par Idriss Aberkane contient un plagiat avéré, ce qui pourrait potentiellement conduire à l’annulation de ce diplôme. Ce serait une réelle déconvenue pour le conférencier et essayiste français, ayant fondé sa réputation sur sa détention de trois diplômes de doctorat, se faisant même surnommer auprès de ses lecteurs et auditeurs « Hyperdoctor ». Si le plagiat constaté au sein de la thèse est aujourd’hui avéré par le comité en charge de l’évaluer (I), une épineuse question de compétence administrative pourrait donner la possibilité à M. Aberkane de demander l’annulation de la future décision. (II)
I La teneur du plagiat au sein de la thèse d’Idriss Aberkane
Selon la Charte européenne du chercheur, ces derniers « s’efforcent pleinement d’assurer que leurs travaux de recherche sont utiles à la société et ne reproduisent pas des recherches effectuées ailleurs précédemment » et « évitent tout type de plagiat et respectent le principe de la propriété intellectuelle » : si le plagiat est réprimé par la déontologie de la recherche scientifique, il l’est également par le droit français, le droit d’auteur condamnant la contrefaçon.[1] Ici, le comité d’éthique scientifique de Polytechnique a rendu sa décision : un chapitre entier de la thèse de M. Aberkane se compose, sur 43 pages, de la reprise in extenso d’une documentation de logiciel, diffusée en libre-accès sur Internet depuis 2005. Cette information est parvenue à l’Ecole en 2021 grâce à un lanceur d’alerte, après la levée de l’embargo de cinq ans sur la thèse.
II La question de la compétence du potentiel retrait de diplôme
Si le plagiat est avéré, la question de la compétence administrative du retrait du diplôme pourrait donner l’opportunité à M. Aberkane de contester le retrait. En effet, au moment de la soutenance de la texte, la fusion entre les deux universités Polytechnique et Polytech Paris-Saclay venait à peine d’avoir lieu ; M. Aberkane a soutenu sa thèse auprès de Polytech Paris-Saclay, après l’avoir préparée à Polytechnique. Or, lors de la soutenance, il n’y avait pas de texte officiel publié par l’Ecole Polytechnique permettant de sanctionner les doctorants pour violation de l’éthique scientifique, ce genre de dispositions n’ayant été implanté qu’après l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat. Qui possède donc la compétence pour retirer le diplôme de doctorat de M. Aberkane, Polytechnique ou Polytech Paris-Saclay? Cette question est cruciale, car si c’est l’université non-compétente qui opère le retrait, M. Aberkane aura la possibilité de former un recours auprès du tribunal administratif compétent afin de demander l’annulation du retrait pour incompétence de l’administration lors de la publication de l’acte administratif faisant grief à l’intéressé.
Sachant que l’acte administratif en question n’a pas encore été rendu par aucune des deux universités, et les règles de l’article R. 421-1 du Code de la justice administrative donnent deux mois à la personne justifiant d’un grief personnel pour former un recours contre la décision, l’affaire reste en suspens : la suite au prochain épisode !
Pour aller plus loin, retrouvez ici le lien vers l’article rédigé par Béatrice Durand et Marie-Avril Roux Steinkühler traitant du plagiat et de la déontologie dans la recherche universitaire : https://irafpa.org/wp-content/uploads/2023/07/Cahiers-m%C3%A9thodologiques-IRAFPA_V1N1_2023-07-18.pdf
Vous avez des questions concernant le plagiat dans la recherche universitaire ? Le cabinet MARS-IP vous accompagne grâce à son expertise en droit de la propriété intellectuelle, dans vos démarches en droit français et allemand. Contactez-nous !
[1] Voir Code de la propriété intellectuelle, article L. 122-3-4 : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » et article L. 335-3 : « Est […] un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelques moyens que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et règlementés par la loi. »
Crédit photo : Mohamed Hassan de Pixabay
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